La Vie de RAMAKRISHNA

La Vie de RAMAKRISHNA

Romain Rolland, Stock, 1956

  • L’Inde, Bible de la beauté, pour Michelet (1864), où une aimable paix y règne, une fraternité sans borne s’étend à tout ce qui y vit, un océan, sans fond ni rive, d’amour, de piété et de clémence.
  • Je ne crois pas à un seul Dieu personnel.
  • Il n’est Dieu que ce qui, dans l’homme et dans les hommes et dans l’univers, n’est une naissance perpétuelle, La Création se renouvelle à chaque instant.
  • La religion n’est jamais une œuvre accomplie.Elle est le jaillissement de la source, jamais l’étang.
  • L’essence est l’Unité, non pas abstraite, mais vivante, l’eau qui sourd va vers l’océan de l’Etre, conscient, réalisé, dominé, cette eau remonte en vapeur de la mer aux nuées du ciel, les cycles de création s’enchaînent sans interruption.
  •  63722828De la source à la mer, de la mer à la source, tout est la même Energie, l’Etre, sans début ni fin. Deux hommes ont réalisé cette splendide symphonie de l’Ame Universelle : Ramakrishna et Vivekananda (1863/1902). Aucun de mes maîtres nourriciers, Shaekspeare, Beethoven, Tolstoï, ne m’ont rien révélé de ma ville souterraine qui dormait sous la lave, tout comme au fond de beaucoup de ceux qui m’entouraient.peu se sont hasardés au-delà du premier étage de caves que leur aménagea leur propre sagesse pratique.

 

  • Je viens de retrouver la clef d’un escalier perdu qui se déroule au fond des souterrains du Moi jusqu’aux hautes terrasses dont couronne le front de la chevelure des étoiles. Rien de ce que j’ai vu là ne m’était paysage inconnu.
  • Je l’avais vu mais je ne sais pas où. Je le relis aujourd’hui au clair et au complet, dans le livre de vie que me tend le génial illettré qui en savait par cœur toutes les pages : Ramakrishna. C’est toujours le même lire qu’on lit, mais l’écriture varie. Et les yeux, d’ordinaire, restent accrochés à la graine du fruit, sans qu’ils mordent à la pulpe. C’est toujours le même homme. Le Fils de l’Homme, éternel. Ramkrishna, dont la vie extérieur est ordinaire, possède une vie intérieure qui embrasse la multiplicité des hommes et des Dieux.
  • Je respecte la foi de tous, mais je ne m’enrôle jamais, je vois en Ramakrishna un homme, et non, comme ses disciples une  » Incarnation  » .
  • Je vois le « Dieu » dans tout ce qui existe, dans le Tout Cosmique, je ne vois qu’un même fleuve, un majestueux « chemin qui marche », comme dit Pascal.
  • L’Inde est le lieu de la terre qui fait place aux rêves des vivants, depuis les premiers jours où l’homme commença le songe de l’existence. Depuis plus de trente siècles monte de cette terre chaude l’arbre du Rêve, l’arbre aux mille rameaux, qui se multiplie en ramilles par millions, murissant sur toutes les branches, à la fois tous les fruits, le même arbre, toujours.
  • De cet arbre bruit une même symphonie de mille voix. Cette polyphonie discordante pour des oreilles inexercées, permet de ne plus se contenter de l’ordre brutal et factice qu’impose, sur un champ de ruines, la raison d’Occident.
  • echelleCette échelle de Jacob, par où monte et descend, du ciel au sol, le double flot ininterrompu du Divin dans l’homme, c’est la vie de l’homme Dieu Ramakrishna.
  • Le 18 février 1836, naquit au Bengale, Gadadhar, d’un père sexagénaire, brahmine,  prêtre hindou, orthodoxe, et de sa femme, Chandramani, fruit de l’étreinte d’un Dieu. Gadadhar eut sa première extase à l’âge de 6 ans, juin-juillet 1842. Son père mourut à ses 7 ans.

 

 

A 20 ans, il devint prêtre dans le temple de Kâli, Déesse du temps, de la mort et de la délivrance, mère destructrice et créatrice, Elle est représentée nue, le regard féroce et la langue tirée, portant un long collier, descenhindu-gods-kali_1284143116dant parfois à ses genoux, composé de crânes humains, dansant sur le corps de Shiva,son époux, qui en position de cadavre réclame son indulgence, allongé sur le dos. Kâli était la Nature, détruisant et créant, le Dieu visible qui mène les élus au Dieu invisible. L’Ego limité, grâce à elle se perd dans l’Ego sans limite : l’Atman.

  • « Au dedans de moi roulait un océan de joie ineffable. Et jusqu’au fond, j’étais conscient de la présence de la Divine Mère. »

Extase. Il comprit que la Mère le possédait, il s’abandonna sans résistance.. « Fiat voluntas tua » Elle le remplit, et de la brume, la personne matérielle de la déesse, morceau par morceau, émergea. Pour l’arracher à l’envoûtement divin, on le renvoie chez sa mère, qui le marie à une enfant de 5 ans alors qu’il avait 23 ans. Calmé, il retourne au temple de Kâli, et le délire plus violent , se rallume, durant encore 2 années.

La croyance de l’Inde est que

  • tout ce qui existe, n’existe que et par l’Esprit universel, un et indivisible : Brahman, l’âme ou la conscience cosmique présente en toute chose, l’Absolu éternel surplombant toutes les dualités, opposé, bien qu’étant intimement lié, aux âmes individuelles incarnées qui se réincarnent à cause de l’illusion .
  • Tout est Brahman, tous les objets variés, grossiers, subtil.
  • Nous sommes égarés par Mâyâ : l’Illusion, qui nous fait prendre pour réalité, permanent, ce qui n’est que le flot incessant des images passagères, jaillissant de la source.

Ce combat magnifique porte un nom : Sâdhana. Pour accomplir ce combat, deux armes sont nécessaires :

1.« Pas ceci, pas cela » la voie de la Connaissance par la négation radicale : c’est l’arme du Jnanin.

et celle du

2. « Ceci, cela. », la voie de la Connaissance par l’affirmation progressive, c’est l’arme du Bhakta.

En disant « Pas ceci, pas cela », les incarnations divines laissent derrière elles les degrés de l’Escalier, l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’elles soient montées sur le Toit. Et alors, elles disent « Ceci ! » Bientôt elles découvrent que l’Escalier est fait des mêmes matériaux, briques et chaux…que le Toit. Alors, elles montent et elles descendent, se reposant parfois sur le Toit, parfois sur les marches de l’Escalier. Le Toit représente l’Absolu, l’Escalier, le monde des phénomènes.

  • La première arme place son esprit dans la connaissance intellectuelle, renonçant à tout ce qui est, ou paraît, en dehors.
  • La seconde arme n’est qu’amour, et, pour l’amour du Bien Aimé, il renonce à tout ce qui n’est pas lui.

L’instinct aveugle de Ramkrishna l’avait engagé dans la voie des Bhakti, mais il en ignorait les détours. Alors qu’il se croyait perdu, il touchait presque au terme de la plus rude étape, une rencontre féminine allait l’aider.

  • C’était une none Brahime, de noble famille du Bengale, très instruite des Ecritures Bhakti. Une relation de mère à fils s’installa. Elle lui expliqua que son instinct, à lui, avait fait gravir de nombreuses marches de l’escalier de la Connaissance, elle lui fit refaire le chemin en pleine lumière.
  • Pour devenir maître de son destin, sa conscience devait être éclairée sur toute la route de la conquête. Durant trois années, cette nonne l’accompagna sur le chemin de la Connaissance, donna sens à toute la marche de l’esprit que Ramakrishna avait parcouru seul.

C’est elle qui imposa aux autorités théologiques la reconnaissance du nouvel Avatara, il avait réussi non pas un mais TOUS les Sadhana. Ramakrishan resta un homme simple, sans orgueil.

  • Fin 1864, il avait achevé sa conquête du Dieu personnel : la voie de Bhakti, il lui fallait maintenant se diriger vers le Dieu impersonnel : Jnanin, ce Dieu sans forme.
  • C’est un ascète Védantiste qui l’aidera : Totapuri. Pour ce faire, Ramakrishna devra abandonner ce nid du cœur, corps et âme, se fondre au creuset de l’informe et de l’abstrait. La condition première était de renoncer à tout, et d’accomplir son propre enterrement, alors seulement il pût revêtir la robe d’ocre, synonyme de sannyasin, « emblème de la nouvelle voie ».
  • Commencèrent alors les enseignements de l’ »Advaita » (le sans second) Vedanta, la forme la plus stricte et la plus abstraite du Vedanta. Le Brahman un et indivisé et les plongées à la recherche du Soi, pour réaliser l’identité avec le Brahman et s’y établir fermement par le Samadhi (l’extase).
  • En un jour, Ramakrishna réalisa ce que Totapuri mit 40 ans à atteindre. La situation s’était retournée, le jeune oiseau redescendait du ciel plus haut et son regard avait porté au-delà du premier cercle des collines. Il rapportait dans ses prunelles dilatées un plus vaste espace que celui qui tenait dans celles, aiguës, étroites du vieux Totapuri. Ce dernier était intellectualiste, dépouillé d’émotions, d’amours, il ne comprenait pas que l’Amour pût être un des chemins de Dieu. Ramakrishna :

« Le Dieu personnel et impersonnel, sont le même Etre.

Tel le lait et sa blancheur, le diamant et son éclat, le serpent et sa reptation.

On ne peut penser à l’un sans l’autre.

La Mère Divine (Kâlî)et Brahman sont Un. »

Totapuri fit ses adieux à son disciple, qui était devenu son maître, et il parti éclairé, fin 1865. Pendant 6 mois, Ramkrishan resta dans un état d’extase cataleptique. Il prit conscience qu

il faut aimer Dieu dans toutes les variétés des hommes,

dans tous leurs Dieux,

toutes les religions mènent au même Dieu.

Il fut avide d’explorer tous ces chemins :

  • fin 1866 il emprunta la route de l’Islam.
  • Sept ans plus tard, il « réalisa » le christianisme, en novembre 1874.
  • En mai 1867, il arrêta les extases, avec l’accord de la Mère, pour rester avec les hommes. Sa femme avait 14 ans, devint sa disciple.
  • De retour chez les hommes, il découvrit la face de la misère humaine, que ses états extatiques lui avait voilée.
  • 1874, il achève le cycle des expériences religieuses, et accueille les trois fruits de la Connaissance : la Compassion, la Dévotion, la Renonciation.
  • La Dévotion : si nous voulons adhérer à Dieu, par le dévouement intérieur, nous sentirons dans le fond de la volonté et dans le fond de l’amour, on dirait le bouillonnement d’une source vive, qui rebondit jusqu’à la vie éternelle.
  • Il meurt en 1886. Ramkrishna admettait être une Incarnation Divine, mais il n’aimait pas en parler.

Sa conviction est un acte intérieur, une lumière secrète dont il ne fait jamais parade, une plénitude d’être qui déborde le lit de la personnalité. Voici le paroles de Ramkrishna :

  • Toutes les religions sont vraies, prises dans leur Essence et dans la foi sincère de leurs croyants.
  • Les trois grands ordres de la pensée métaphysique : Dualisme, Monisme modifié, Monisme absolu, sont des étapes sur la route qui mènent à la suprême Vérité.
  • Sans attache à son Moi, par la pureté et par l’Amour, on s’achemine à la libération des désirs. Pas à pas, avec patience et modestie.
  • La réconciliation des religions n’était pour lui qu’un des facteurs de la grande Harmonie.
  • Il voulait plus que

    l’homme tout entier comprenne, aime, sente, l’homme tout entier.

Plus nous aimons l’homme, plus nous sommes prêt de Dieu.

« La Divinité est manifeste dans l’homme plus que tout autre objet.

Il (Dieu) est ici , en tout lieu, à toute heure,

il est notre frère, notre ennemi, il est nous. »

Avant tout, pas de frontière,

« un fleuve n’a pas besoin de barrières. S’il s’enferme, il stagne, et devient empoisonné. »

  • Son hyper sensibilité physique et spirituelle le faisait souffrir dans sa chair quand il assistait à des actes de violence. L’essentiel de la discipline de Ramakrishna consiste à garder un corps, les sens et un esprit intègres, et puis, la première règle est la continence, le renoncement aux dépenses organiques et psychiques de la sexualité. Dieu se refuse à visiter des corps souillés de désirs. L’acte et la pensée sont mis en cause.
  • L’homme qui se consacre à la vie Intérieure doit avoir l’emprise absolue sur ses sens.
  • Il en va de même pour le travail : s’il est fait sans attachement, il conduira à Dieu. La travail ainsi fait est un moyen pour arriver à un but. Le but est Dieu.
  • Sans attachement ne veut pas dire sans conscience, sans zèle, ou sans cœur, du beau travail, mais avec désintéressement, sans attente d’aucune récompense, sans crainte d’aucun châtiment, dans ce monde, ou dans l’autre.
  • Ramakrishna, le corps faible, se consume presque journellement par le feu de l’extase, était usé par le don de Soi, qu’il faisait à des foules affamées. De plus, il souffrait dans son corps des pêchés des autres.
  • En avril 1885, sa gorge s’enflamma, manger lui devint presque impossible. On diagnostiqua un cancer de la gorge. La caractéristique de Ramakrishan a toujours été, non pas de communiquer une foi précise, mais les Energies nécessaires à la foi, comme une puissante dynamo spirituelle, il touchait les disciples.

« Le corps seul souffre.

Quand l’esprit est joint au Seigneur, on ne sent plus rien. 

Que le corps et la souffrance s’occupent l’un de l’autre !

Toi, mon esprit, demeure dans la félicité. »

Avant de mourir, il délégua tous ses pouvoirs à Nareu, son disciple, ils ne furent plus qu’un. Il mourut le 15 août 1886, l’homme n’était plus, l’esprit allait commencer sa route dans les veines de l’humanité.