Le Bonheur selon Tchouang-tseu

Le Bonheur selon Tchouang-tseu,

Yu DAN, 2015, Belfond

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Le mont Tai est l’une des 5 montagnes sacrées en Chine.

Yu Dan l’a gravie, par ses deux côtés.L’ascension à l’avant de la montagne, se fait pas un chemin préparé, agrémenté de stèles pour stimuler les personnes lancées à l’assaut de ce mont.

« Au bout de l’océan, le Ciel est le rivage ; grimpant la montagne, j’en deviendrai le sommet. » (Lin ZEXU)

  • Le chemin qui passait à l’arrière de la montagne n’était pas entretenu, parsemé d’obstacles.
  • Gravir deux fois la même montagne, par deux chemins différents.
  • La route de devant est celle de la tradition confucéenne, la solidité de la Terre, sur laquelle on peut s’ancrer.
  • La route de derrière est la route Taoïste, celle qui donne des ailes invisibles, elle offre l’espace du Ciel, pour nous déplacer en toute liberté.
  • Le Confucianisme nous apprend à assumer nos responsabilités, le Taoïsme nous apprend à soulever des montagnes.

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L’oiseau PENG voyage en toute liberté entre le Ciel et la Terre.

Bien sûr, Tchouang-tseu n’est pas le père du taoïsme, c’est à Lao-tseu que revient la paternité.

Tchouang-tseu en reste le plus grand, le plus piquant, le plus profond interprète.

  • Le DAO est le « courant », au sens océanique du terme, le mouvement même du réel, sa lame de fond.

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« Se conformer aux choses extérieures pour que son cœur puisse voyager » (Tchouang-tseu)

On estime que Tchouang-tseu a vécu entre 369 et 286 voire275, avant JC, les dates de sa naissance et de sa mort restent incertaines.

Ses considérations sur la mort rejoignent celles de Confucius :

« Quand on ne sait pas ce qu’est la vie, comment pourrait-on savoir ce qu’est la mort ? » (Confucius)

  • Tchouang-tseu ne craignait pas la mort, il était habité par la joie de vivre, la volonté de mener une vie épanouie l’avait emporté sur la peur de la mort.
  • Vivre l’instant présent, rester détaché des honneurs, passer outre aux richesses, ne pas craindre la mort, alors, l’âme profitera toujours d’une espace et d’un horizon ô combien immenses.
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  • L’horizon d’une personne détermine sa façon de penser : la plupart du temps, les gens jettent un regard étroit sur les choses, préférant se cramponner à leur routine, pour juger de la valeur des choses. Or, seules les personnes qui voient grand sont à même de discerner la véritable valeur de ce qui les entoure.
  • On enferme dans une bouteille, un insecte habitué à sauter très haut. Après quelques échecs rencontrées contre le bouchon de la bouteille, l’insecte sautera de moins en moins haut…et, lorsqu’on ouvrira la bouteille, enlevant le bouchon, l’insecte ne cherchera pas à s’enfuir, il acceptait la limite imposée par le bouchon.
  • L’éducation peut ressembler à cette histoire, constituée de règles capuchonnées du bouchon de l’utile : plutôt que de jouer, range ta chambre, plutôt que…
  • La pensée conventionnelle enchaîne notre âme et notre esprit.BO
  • Les limites sont là pour être dépassées, à nous d’interroger nos propres valeurs pour espérer atteindre la véritable liberté de mouvement, celle qui ne connaît ni entraves, ni contraintes.
  • Le véritable héros est celui qui sait se mettre au service de son cœur. Une vie ainsi menée selon les décisions de l’âme et de l’esprit, ouvrira à chacun d’entre nous, un horizon nouveau et unique.
  • Placées dans une même situation, des personnes aux valeurs différentes auront une appréhension de l’existence complètement différente.
  • Pour dynamiser notre vie, ne pas la laisser se scléroser, nous devons apprendre à casser la routine.

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  • Les choses véritablement stables sont en perpétuel mouvement :
  • « Tourner sur elle-même », voilà la valeur de la toupie. Mais, dès que la toupie cesse de tourner, se met au repos, son équilibre est rompu et elle tombe. Voilà pourquoi le mouvement est le meilleur des équilibres.
  • Nous vivons une époque de mutations, celui qui saura se mettre au diapason, qui saura effectuer des choix en toute liberté, qui se fixera des critères personnels à l’aune d’un horizon défini avec clarté, et qui de surcroît saura ajuster son mode de vie en ayant toujours en tête que le cœur voyage loin ; celui-là même toujours conservera un équilibre empreint de dynamique, jamais ne tombera.
  • C’est lorsque vous vous mettez au repos que, inévitablement, vous tombez. Et quand vous tombez, aucune force extérieure ne peut vous secourir.
  • Pour créer un horizon en parfaite harmonie avec le monde, vous devez d ‘abord repousser vos propres frontières.
  • Dire que la loi du Tao c’est la nature, c’est pouvoir tout embrasser du regard. Toute la nature est imprégnée du Tao.

« La colline est un tapis de fleurs, mais le bétail n’y voit que pâturage. »

(Dicton chinois)

  • Dans notre vie quotidienne, nous voyons trop de pâturages et trop peu de fleurs.
  • Le moine bouddhiste porte des sandales comportant six trous d’aération. Un rappel des six racines qu’il faut arriver à arracher : avidité, colère, ignorance, rancune, doute, indolence. Ce n’est qu’en ayant dompté ces poisons que le cœur deviendra pur, sans prise.
  • Pourquoi des sandales ? Pare que pour les bouddhistes, ce n’est qu’en baissant la tête que l’homme réussit à entrevoir cette vérité. S’il ne le fait pas, il ne pourra rien voir.

Celui qui veut s’approcher de l’authentique vérité du Tao doit bâtir un vaste horizon mais aussi rester les deux pieds fermement plantés dans les réalités de ce monde.SOL

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  • L’abstinence du cœur : « En ce monde, vous ne devez pas écouter uniquement avec vos oreilles, mais aussi avec votre cœur, et encore plus avec votre souffle, le Qi. Tout votre ressenti doit passer par le souffle, puis remonter jusqu’au cœur, lequel vous apportera, ou non, sa confirmation. Voilà ce que c’est l’abstinence du cœur. » (Confucius)

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  • Nos yeux possèdent une double capacité : celle de regarder vers l’extérieur ET vers l’intérieur. Dirigeant le regard vers l’intérieur, nous pouvons découvrir l’infinie profondeur de notre cœur.
  • Les véritables qualités qui se trouvent en notre cœur : le grand Tao, le grand raisonnement, la grande bienveillance, la grande intégrité, et le grand courage, toutes sont retenues dans notre cœur, elles ne sauraient se manifester à l’extérieur.
  • Commencer par se connaître soi-même, puis s’écouter, puis atteindre la maîtrise de soi et entretenir son être : quel merveilleux cheminement dans la vie.
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  • Tchouang tseu parle avec légèreté de la vie et de la mort parce qu’il a pris conscience de leur véritable signification : le passage de la vie à la mort n’est rien d’autre que la transformation d’un même état. Jamais personne n’a pu échapper à la mort, à quoi bon la craindre, à quoi bon s’en affliger ?
  • La terre m’a donné un corps, la vie m’a fatigué, la vieillesse m’a été confortable, la mort m’apportera le repos. »
  • Lorsque dans son cœur, l‘homme accepte de considérer l’existence comme une traversée, la mort devient pour lui continuité de la vie, elle a été transcendée.
  • Pour Tchouang tseu, la transmission de la pensée prime largement la vie.
  • Confucianisme et taoïsme ont une approche différente de la mort : le confucianisme considère que l’homme, animé d’un noble idéal, peut envisager de renoncer à la vie au nom de ses convictions. Dans le taoïsme, l’homme ne doit connaitre ni amour de la vie ni horreur  de la mort.

« Les hommes de l’Antiquité se transformaient extérieurement, sans se transformer intérieurement ;

les hommes d’aujourd’hui se transforment intérieurement sans se transformer extérieurement. »

Confucius

  • se transformer extérieurement, sans se transformer intérieurement : l’extérieur s’adapte aux circonstances, vivre en société, interagir avec les autres, tandis que l’intérieur reste fidèle à lui-même, centré et imperturbable. La capacité à son cœur de ne pas se transformer.

Demeurer tranquille et courageux, intérieurement, permet de relever des défis extérieurement.

  • « Ne pas se transformer intérieurement» : Tchouang- tseu nous explique que notre cœur ne doit en rien  se laisser influencer par les mutations du monde extérieur, il doit encore et toujours rester fidèle à lui-même.
  • DESTINsymbole_chinois_pour_le_destin_destin_cartes_postales-r99a1d07f1d504f44a088bdd44e06ebb3_vgbaq_8byvr_512 Deux grands préceptes absolument incontournables, « les deux grandes lois sous le Ciel » : le destin et le devoir.
  •  Le destin c’est la piété filiale à l’égard de ses parents, chacun y est prédestiné. Le devoir, c’est la fidélité à la patrie : chacun doit s’y plier.
  • Tchouang-tseu prône l’adaptation au monde extérieur.
  • « voyage sans contrainte » dit Tchouang-tseu, l’homme doit libérer sa vraie nature s’il veut atteindre l’horizon où le voyage est sans contrainte. Dans le processus de libération, personne ne pourra vous aider. Vous serez seul à pouvoir libérer votre âme et votre esprit. Quand on a, à notre portée, le vaste monde, entre Ciel et Terre, il ne faut pas se laisser posséder, contrôler par les choses extérieures. Inutile de s’attacher à la forme, inutile de vouloir forcer ; il faut suivre sa nature. Voilà la ligne de conduite que nous enseigne Tchouang-tseu.
  • Draw on Monday Coloriage_Autour de Cia_#9 (1)Ce monde est peuplé de tentations et d’égarements,

« un petit doute modifiera l’orientation de l’homme, un grand doute modifiera sa nature. »

  • Comment pénétrer la vérité première de ce monde ? Avec un cœur tranquille, aussi tranquille que la surface d’un miroir d’eau, qui deviendra « le miroir du Ciel et de la Terre, le miroir des dix mille êtres. »

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( Magritte)

 

  • Qu’est-ce qu’un miroir ? Rien d’autre qu’une plaque de verre avec une très fine couche de mercure.

Avec une plaque de verre sans mercure, vous ne pourrez voir que le monde extérieur. Mais si une fine couche de mercure vient s’interposer, vous pourrez vous voir vous-même et voir en même temps le monde. Notre cœur devrait toujours contenir cette fine couche de mercure qui transformerait en miroir le verre placé devant nos yeux, pour voir non seulement le monde extérieur, mais aussi l’intérieur de notre cœur ; que ce miroir du Ciel et de la Terre reflète également notre nature intrinsèque.

« Conformer sa nature à celle de l’autre. »

Cette grande loi taoïste nécessite que la simplicité réintègre notre cœur :

« Discerne le simple et étreins le naturel. »Laozi

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« L’Homme imite la Terre

La Terre imite le Ciel

Le Ciel imite le Tao

Le Tao n’a d’autre modèle que soi-même. » Laozi

 

 

 

  • Pour connaître le Tao, on ne doit ni penser, ni réfléchir.

Pour s’installer dans le Tao, on ne doit ni adopter de position, ni air.

Pour saisir le Tao, on ne doit ni partir de quelque part ni suivre un quelconque chemin.

  • Autrement dit, lorsque nous cessons de nous référer aux normes qui mènent notre vie pour véritablement saisir le tréfonds de notre cœur, nous sommes en mesure de guider la vie de cet être unique que nous sommes.
  • Garder la maîtrise de sa propre personne dans chaque situation, voilà ce que les taoïstes appellent se conformer au grand Tao du Ciel et de la Terre.
  • Tout finit par passer, nous devons apprécier chaque instant à sa juste valeur.

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  • Le grand Tao n’est rien d’autre qu’une règle à suivre. Nous sommes tous uniques et différents (origine, scolarité, métier, continent…) Chacun d’entre nous devra intégrer le grand Tao du Ciel et de la Terre, selon ses propres modalités. Il ne pourra compter que sur lui-même, les autres ne lui seront d’aucun secours. On peut toujours tirer leçon de l’expérience d’autrui, mais seul notre cœur saura véritablement comprendre et saisir ce qu’est le grand Tao.
  • Mener une vie stérile, c’est une vie où « l’homme enlève à l’indigent pour ajouter au riche » (Laozi)
  • Le confucianisme insiste sur l’étiquette, l’adhésion à des règles de comportement extérieures. Respect d’un cadre normatif qui régit nos relations pour contribuer à l’harmonie du monde.
  • Pour le taoïsme, chacun doit suivre la morale que lui insuffle son cœur, écouter sa voix intérieure, aucune nécessité d’aucune intervention extérieure.
  • Taoïsme et confucianisme se sont complétés pour donner naissance à l’esprit chinois
  • « Par le vide et par l’indifférence, il rejoint la vertu du Ciel. »(Tchouang-tseu), faire le vide et apaiser son cœur, qui n’est ni troublé ni embrumé, alors, sa vie sera conforme à la vertu du Ciel.
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  • « Une fleur un monde, une feuille une illumination, voilà ce qu’il faut véritablement ressentir et savoir.» dit le bouddhisme.

Le monde et sa compréhension la plus totale se trouvent à l’intérieur de chaque fleur, de chaque feuille, ce qui nous rend parfaitement à même de saisir la vérité des dix mille êtres.

Notre vie est entre nos mains

http://www.franceculture.fr/personne-alexis-lavis.html